En bas de l’escalier, le feu mourant des paillasses dégageait ses dernières volutes de fumées. A travers ce mur intangible, rien ne m’empêchait pourtant d’être fasciné par la glace turquoise de ses yeux incrustés dans la pâleur blanchâtre de son long visage. De ses sept pieds, il nous dominait tous. Sa poitrine bardée de fer s’élevait et retombait à un rythme étonnamment lent.
Je sentais le sueur coulant le long de mon échine se glacer lentement. Le temps semblait s’arrêter. Deux battements de cœur, sa face se déchira nous dévoilant le gouffre hérissé des crocs de sa bouche. Il me sembla ne plus rien entendre. Mes compagnons, Telesphore et Blodkuir en tête, descendaient les marches vers notre trépas.
SOUDAIN, la créature exhala son souffle : un blizzard digne des confins du monde qui ne voient jamais le soleil. Voyant l’acier bleu de cette tempête fondre sur nous, je me jetais au sol espérant au fond de mon âme que la mort n’est qu’une porte vers autre chose. Mais le pire n’arriva pas ; la gemme sertie dans l’armure de Telesphore, se mit à briller de mille feux et sembla avaler notre fléau.
La morgue avait disparu du visage de notre adversaire. En voyant le prodige qui s’était accompli, il hurla : « il nous a donc trahi ». Il laissa choir sur le sol la tête d’un fléau d’armes qu’un humain aurait peiné à manier à deux mains. La partie n’ait pas encore gagnée.
Le reste se passa pourtant en un éclair. Alfrun invoqua, du fond des limbes occultes, une décharge d’énergie qui alla frapper de plein fouet l’homme-dragon. Une flèche décochée par le Khân Koubilaï alla se planter dans le coude droit de la créature. L’épée de Telesphore zébra son faciès écailleux.
Mais c’est sans aucun doute, l’action de Blodkuir des Khâzâds qui m’impressionna le plus. Sentant monter en lui la force de ses ancêtres, il leva son marteau d’armes et le fracassa sur la poitrine de l’ennemi. On entendit le métal plier sous la puissance de son coup et il arracha à la bête un hurlement de douleur quand les plaques déchirées entrèrent dans la chair. Notre ennemi mis un genou en terre
Je voyais qu’il ne s’attendait pas à pareille puissance venant de notre troupe. Cependant, il n’avait toujours pas porté le moindre coup. Il se releva donc prestement, bien décider à emmener plusieurs des nôtres dans sa chute.
Je tentais le tout pour le tout en lui demandant de se rendre. Et puisque, comme vous le savez que votre serviteur peut se rendre persuasif, me croyant, il abdiqua.
La suite aurait été parfaite. En effet, nous aurions pu l’interroger sur des sujets tels que : qu’est ce que tout ce cirque, quel est le problème de cette armure, où cachez-vous votre or … Nous aurions peut-être même pu le prendre à notre service pour garder nos boissons fraîches lors d’une traversée du désert Khyatan.
Mais le destin en décida autrement, Telesphore semblant devenir fou, passa dans son dos et lui ouvrit un second sourire.
Moralité : Le mieux à faire lorsque vous croisez des gens froids voire glaciaux en relations, offrez leur des coups, discutez avec eux et puis faites les rires. Çà fonctionne souvent. Parole de barde.
Maître Reindor Thondal herboriste et conteur
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